Notification faite à la partie civile domiciliée chez son avocat

L’article 803-1 du code de procédure pénale, qui permet de procéder aux notifications à un avocat par télécopie, est applicable à la notification faite à la partie civile qui a déclaré son adresse chez son avocat conformément aux dispositions de l’article 89 du même code.


Une information judiciaire a été ouverte contre personne non dénommée, sur plainte avec constitution de partie civile des chefs de blessures involontaires, de dénonciation calomnieuse, de faux et usage de faux. À l’issue de la procédure, la partie civile, qui était domiciliée au cabinet de son avocat (C. pr. pén., art. 89), a formé appel d’une ordonnance de non-lieu. Devant la chambre de l’instruction, l’ordonnance a été confirmée, après que les débats se soient tenus en l’absence de la partie appelante et de son conseil.

La partie civile a alors inscrit un premier pourvoi par lettre recommandée, lequel, sans surprise, a été déclaré irrecevable aux visas des articles 576 et 577 du code de procédure pénale. Pour rappel, la déclaration de pourvoi, qui est par principe orale, doit se faire par comparution devant le greffier : hors cas exceptionnel de force majeure, la jurisprudence de la chambre criminelle interdit que le pourvoi soit formé par écrit – et donc, par l’envoi d’une lettre, qu’elle soit simple ou recommandée (J. Boré et L. Boré, La cassation en matière pénale, Dalloz Action, ch. 51 - Déclaration de pourvoi, n° 51.71).

Par déclaration au greffe de son conseil, la partie plaignante a également inscrit un second pourvoi dans les formes et délai prévus par la loi. Il convient ici préciser que la déclaration de pourvoi peut émaner, soit du demandeur lui-même, soit d’un avocat près la juridiction qui a statué, soit d’un fondé de pouvoir spécial (C. pr. pén., art. 576) – étant observé que, lorsque l’avocat n’exerce pas dans le ressort de la juridiction ayant statué, il doit alors justifier d’un pouvoir spécial pour former le recours (J. Boré et L. Boré, La cassation en matière pénale, Dalloz Action, ch. 51 - Déclaration de pourvoi, n° 51.11).

Devant la chambre criminelle, la partie civile proposait un unique moyen de cassation, tiré de la violation, notamment, des articles 6 de la convention européenne et 197 du code de procédure pénale : elle reprochait au parquet général de ne pas l’avoir régulièrement avisée de la date à laquelle l’affaire avait été appelée devant la chambre de l’instruction. En l’espèce, l’avis d’audience avait été expédié sous la forme de deux télécopies, l’une à la partie civile et l’autre à son avocat, toutes deux adressées sur la ligne fax du second nommé – étant observé que, par principe, l’avis doit être notifié par lettre recommandée à chacune des parties et à son avocat (C. pr. pén., art. 197, al. 1).

Après avoir constaté que les avis avaient été valablement transmis par télécopie tant à l’adresse déclarée de la partie civile qu’à son avocat, la Cour de cassation rejette le pourvoi en jugeant que « l’article 803-1 du code de procédure pénale, qui permet de procéder aux notifications à un avocat par télécopie est applicable à la notification faite à la partie civile qui a déclaré son adresse chez son avocat conformément aux dispositions de l’article 89 du même code ».

L’article 803-1, I, du code de procédure pénale dispose en effet que : « Dans les cas où, en vertu des dispositions du présent code, il est prévu de procéder aux notifications à un avocat par lettre recommandée ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la notification peut aussi être faite sous la forme d’une télécopie avec récépissé ou par un envoi adressé par un moyen de télécommunication à l’adresse électronique de l’avocat et dont il est conservé une trace écrite ». En vertu de ce texte, il est d’ores et déjà acquis que la notification de la date d’audience de la chambre de l’instruction à l’avocat est régulière lorsqu’elle est faite par télécopie avec accusé de réception (Crim. 29 mai 2002, n° 02-81.751, JCP 2002. IV. 2362 ; Dr. pénal 2002. Comm. 116, obs. Maron ; 31 janv. 2018, n° 17-86.708 ; 17 avr. 2019, n° 19-81.057 ; 4 déc. 2019, n° 19-86.116) : l’apport de la décision commentée est d’étendre cette solution à la notification faite à la partie civile lorsque celle-ci est domiciliée chez son conseil.

Une telle solution n’allait pas de soi :

  • en premier lieu, l’article 803-1 I du Code de procédure pénale se réfère, strictement et uniquement, aux notifications faites « à un avocat » : c’est donc la qualité de la personne à laquelle la notification est adressée qui préside à l’application du texte ;

  • en deuxième lieu, la formulation « transmis par télécopie [à la partie civile] à son adresse déclarée » peut paraitre imparfaite : chacun perçoit aisément la distinction qu’il existe entre un numéro de télécopie et une adresse déclarée ;

  • en troisième lieu, de manière peut-être plus problématique, l’article 803-1 II du code de procédure pénale prévoit précisément, depuis une loi n° 2015-177 du 16 février 2015, l’hypothèse spécifique de la communication électronique avec un justiciable : « Lorsque le présent code prévoit que des avis, convocations ou documents sont adressés à une personne par l’autorité judiciaire par tout moyen, par lettre simple, par lettre recommandée ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, l’envoi peut être effectué par voie électronique, à la condition que la personne y ait préalablement consenti par une déclaration expresse recueillie au cours de la procédure. Cet accord précise le mode de communication électronique accepté par la personne. Il est conservé au dossier une trace écrite de cet envoi (…) ».

Ainsi, il existe un cadre juridique approprié qui permet précisément de communiquer directement avec le justiciable par voie électronique, telle possibilité étant conditionnée à l’accord de la personne concernée dont il convient de conserver la trace au dossier. À ce sujet, les travaux parlementaires ayant précédé l’adoption du texte indiquaient : « (…) L’intéressé devrait expressément donner son accord au recours à la communication électronique et choisir le procédé utilisé. Le mode de communication retenu devrait permettre à l’autorité judiciaire d’établir la preuve écrite de l’envoi, de sa date, ainsi que, le cas échéant, pour les communications qui se substitueront à des lettres recommandée avec demande d’avis de réception, celle de sa réception par le destinataire (…) », le législateur portant une attention particulière à ce que « l’autorité judiciaire ait bien la certitude que le destinataire du document a bien été touché » (Rapport sur le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, M. Thani Mohamed Soilihi, p. 77 s.).

À dire vrai, si la Cour de cassation semble s’être extirpée du cadre juridique normalement applicable au justiciable, la situation ne diffère pas tant de celle, plus classique, où la notification est faite par lettre recommandée directement au cabinet de l’avocat chez lequel la partie est domiciliée. Empreinte de pragmatisme, cette solution paraît conforme à l’objectif poursuivi par l’article 803-1, à savoir « le souhait du gouvernement [de recourir] à de tels dispositifs [afin] d’économiser les frais de transmission d’actes ou de documents, ainsi que ceux de convocation » (Rapport, préc., p. 76).