Rappels sur l’action civile exercée devant les juridictions répressives

Les trois arrêts commentés permettent de revenir sur : les contours de l’intérêt à agir de la partie civile devant la juridiction d’instruction, les conséquences de l’appel limité aux seuls intérêts civils, ainsi que les spécificités d’indemnisation de la partie civile en matière de contrefaçon.


L’action civile est l’action par laquelle la victime d’une infraction peut demander réparation du dommage que celle-ci lui a causé : elle peut être exercée devant les juridictions civiles ou, concomitamment et accessoirement à l’action publique, devant les juridictions répressives, que cela soit par voie d’action ou par voie d’intervention. En se constituant devant le juge répressif, la partie civile vient corroborer l’action publique, tout en se ménageant la possibilité d’obtenir réparation des préjudices qui découlent des faits objets de la poursuite.

Aux termes de l’article 2 du code de procédure pénale, l’action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction : par principe, la partie civile doit donc nécessairement démontrer l’existence d’un préjudice « certain » et « actuel » – ce qui, de fait, exclut la prise en considération du préjudice qui ne serait qu’« éventuel » ou « hypothétique ».

Toutefois, cette exigence ne s’exprime pas avec la même force à tous les stades de la procédure : selon une jurisprudence constante et établie de longue date, il suffit, pour qu’une constitution de partie civile soit recevable devant les juridictions d’instruction, « que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent au juge d’admettre comme possible l’existence du préjudice allégué et la relation de celui-ci avec une infraction à la loi pénale » (Crim. 6 oct. 1964, n° 64-90.560, Bull. crim. n° 256 ; RSC 1965. 434, obs. J. Robert ; 13 avr. 1967, n° 66-91.626, Bull. crim. n° 119 ; 4 juin 1996, n° 95-82.256, Bull. crim. n° 230 ; 11 déc. 2002, n° 01-85.176, Bull. crim. n° 224 ; D. 2003. 424, et les obs. ; Rev. sociétés 2003. 145, note B. Bouloc ; RSC 2004. 113, obs. J. Riffault-Silk ; RTD com. 2003. 336, obs. N. Rontchevsky ; ibid. 390, obs. B. Bouloc ; 5 févr. 2003, n° 02-82.255, Bull. crim. n° 25 ; D. 2003. 1008 ). Cet assouplissement, qui permet à la partie civile de ne justifier à ce stade de la procédure que d’un « éventuel intérêt à agir », s’explique par l’objet même de l’instruction, dont les développements doivent précisément permettre d’établir la réalité des faits poursuivis, ainsi que la nature et l’étendue des préjudices qui en résultent.

Le premier arrêt commenté illustre parfaitement cette règle (Crim. 25 juin 2019, n° 18-84.653, D. 2019. 1339 ) : il s’agit là d’une affaire largement médiatisée au cours de laquelle une célébrité américaine s’était vue dérober des objets de valeur, pour un montant avoisinant les 9.000.000 d’euros, dans un hôtel parisien. La société propriétaire de l’hôtel avait cherché à se constituer partie civile en raison du préjudice qu’elle estimait avoir subi du fait « d’une part, de l’indemnisation potentielle due à [la victime] et du remboursement de nuitées, d’autre part, des annulations de réservations et du préjudice d’image causés par cet événement ».

Les magistrats instructeurs en charge du dossier avaient déclaré irrecevable cette constitution de partie civile, motif pris de ce que la société – qui n’était pas elle-même une « victime directe », invoquait des préjudices qui ne résultaient pas directement des faits objets de la poursuite. Frappée d’appel, l’ordonnance était confirmée par la chambre de l’instruction.

Dans la mesure où les infractions poursuivies – à les supposer établies,...