Attentat raté de Notre-Dame : les deux principales accusées condamnées à vingt-cinq et trente ans de réclusion

Elles avaient tenté de faire exploser une voiture remplie de bonbonnes de gaz, dans la nuit du 3 au 4 septembre 2016, près de la cathédrale parisienne. Seule une erreur de carburant avait permis d’empêcher l’explosion.


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A l’annonce du verdict, Inès Madani a plissé les yeux tout en se cramponnant fermement au pupitre du box des accusés. A l’issue de seize jours d’audience et d’un délibéré de plus de dix heures, la cour d’assises spéciale de Paris a condamné, lundi 14 octobre en soirée, la jeune femme de 22 ans à trente années de prison pour sa participation à l’attentat raté à la voiture piégée, dans la nuit du 3 au 4 septembre 2016, rue de la Bûcherie, près de Notre-Dame de Paris.

Au terme de ce procès, que l’accusation a considéré comme celui du « djihad des femmes », une peine de vingt-cinq ans de réclusion a aussi été prononcée à l’encontre d’Ornella Gilligmann. Complice d’Inès Madani, cette mère de famille de 32 ans a tenté, en vain, d’incendier une Peugeot 607 remplie de bonbonnes de gaz. Ce projet d’attentat, conçu au nom de l’organisation Etat islamique (EI), a échoué car le tandem avait imprégné le véhicule de gasoil, un carburant moins inflammable que l’essence.

« Je demanderai pardon toute ma vie à tous ceux qui ont été victimes du terrorisme », a déclaré Ornella Gilligmann avant que la cour se retire pour délibérer. Lorsque sa peine a été prononcée, elle a fondu en larmes, se cachant le visage avec ses mains.

Rapport de séduction

Au cours de l’audience, la version des faits livrée par Ornella Gilligmann a fortement divergé de celle d’Inès Madani. Si la première a prétendu avoir fait volontairement « capoter » l’attentat en ayant utilisé du gasoil plutôt que de l’essence, la seconde l’a accusée d’être à l’initiative du projet. La confrontation entre les deux femmes a donné lieu à des échanges rugueux.

« Il est vain d’accabler l’autre pour échapper à ses responsabilités. Il y en a une qui a conduit les opérations : ce n’est pas Inès Madani », avait insisté, dans sa plaidoirie, son avocat, Me Laurent Pasquet-Marinacce. Lequel avait demandé à la cour de ne pas condamner sa cliente à une peine de prison trop lourde afin de « lui permettre de se lancer enfin dans sa propre vie ». Me Pasquet-Marinacce n’a pas écarté l’idée de faire appel du verdict.

Le procès s’est polarisé sur le rapport de séduction entre les deux femmes et, plus particulièrement, sur l’emprise exercée sur Ornella Gilligmann par Inès Madani. Cette dernière avait dupé sa future complice en se faisant passer durant plusieurs mois, sur les réseaux sociaux, pour un djihadiste dénommé Abou Souleyman, Abou Omar ou Abou Junayd. « J’ai vraiment honte d’être ici aujourd’hui. Je considère que j’ai eu le pire des comportements », a assuré Inès Madani lundi matin avant le délibéré.

Les peines prononcées par la cour sont quasiment alignées sur les réquisitions du parquet. Elles n’ont toutefois pas été assorties de périodes de sûreté, comme le réclamaient les avocats généraux.

Par ailleurs, Sarah Hervouët, 26 ans, a été condamnée à vingt ans de prison pour avoir poignardé – le blessant à l’épaule – un agent de la direction générale de la sécurité intérieure en civil, peu avant son interpellation, le 8 septembre 2016, à Boussy-Saint-Antoine (Essonne). Ce jour-là, la jeune femme avait rejoint Inès Madani au domicile d’Amel Sakaou, mère de famille désireuse de rallier la Syrie et l’EI, afin de « mourir en martyre » et de fomenter un projet d’attentat.

Amel Sakaou a refusé de comparaître devant la cour et a été, elle aussi, condamnée à vingt ans de prison. Trait d’union entre les quatre principales accusées, le djihadiste et recruteur Rachid Kassim a été le grand absent de ce procès. Selon les autorités américaines, il serait mort en Irak en février 2017, après une attaque de drone. En l’absence de certitude, il a été condamné à la réclusion à perpétuité.

Une peine de cinq ans de prison assortie d’une année avec sursis a été prononcée à l’encontre de Samia Chalel, l’intermédiaire entre Rachid Kassim et Inès Madani. Mohamed Lamine Aberouz, qui s’apprêtait, en 2016, à épouser religieusement Sarah Hervouët et considéré comme « l’accusé le plus dangereux dans ce box » (il est également suspecté d’être le complice de Larossi Abballa, qui a assassiné deux policiers à Magnanville, dans les Yvelines, en juin 2016), et Selima Aboudi, qui échangeait également avec Inès Madani avant le projet d’attentat, ont, eux, été respectivement condamnés à trois ans de prison ferme et trois ans de réclusion avec sursis pour « non-dénonciation de crime terroriste ».

Presse