À Angers, les faux-semblants d’une tentative d’assassinat inspirée de séries américaines
Un Francilien de 37 ans sera fixé sur son sort ce vendredi 20 mai. La cour d’assises de Maine-et-Loire doit rendre son verdict dans cette affaire de projet criminel douteux malgré des préparatifs accablants.
Sur les écrans de la cour d’assises du Maine-et-Loire, à Angers, un petit trou de lumière apparaît sur fond noir. Sur l’image, un personnage en combinaison blanche, le visage dissimulé, attend, à côté d’une porte palière, un bâton à la main. « P… Je sais pas ce qu’il veut faire lui, murmure une voix haletante, le souffle court. Si jamais il sonne à notre porte, on est en self-défense. » L’interphone strident retentit. « Montez, montez, montez, montez au 4e, montez au 4e vite ! » répond une voix paniquée.
Ces quelques minutes ont été figées vers 1 h du matin, dans la nuit du 6 au 7 novembre 2014. Une pièce objective dans le procès plein de faux-semblants. Depuis mercredi 18 mai, un Francilien de 37 ans, libre, répond d’une tentative d’assassinat. Il s’est présenté cette nuit-là, boulevard Bédier, à Angers, devant le domicile de l’amant de sa compagne, qui était absent. Une expédition inspirée des séries télévisées. De ce point de vue, la vidéo amateur constitue une mise en abîme de ce scénario fou.
« Peur en rentrant le soir »
Les « cinéastes » ? Deux frères qui partagent le palier du rival absent. « Je me suis dit que mon voisin était peut-être en danger, raconte l’un d’eux, qui venait de croiser cet inquiétant visiteur, en bas de l’immeuble. C’est là que j’ai commencé à filmer. J’ai été traumatisé. J’avais peur quand je rentrais le soir. »
Il a lu, plus tard, dans la presse que l’affaire était « assimilée à une certaine série ». Dexter, pour ne pas la citer. L’analogie lancée par le compte Twitter de la police nationale qui, à l’époque, flaire le buzz, photo du héros de la série en illustration, avant de se rétracter en retirant le tweet. « Est-ce que l’on peut faire plus racoleur ?, demande en défense Me Laurent Pasquet-Marinacce. Ce qui me choque, c’est qu’une communication aussi hâtive vient figer une vérité. » « Je n’aime pas le battage médiatique pour une affaire en cours, réplique le directeur d’enquête de la police nationale. D’autant que je n’en suis pas à l’origine. »
Plus Breaking Bad que Dexter
Les 19 bouteilles de déboucheur de toilettes à l’acide sulfurique, la bâche tapissant la voiture de l’intéressé ont alimenté la légende. Néanmoins, comme le souligne le Dr Clément, médecin légiste qui s’est creusé les méninges sur les disparitions de corps à l’acide, le schéma ressemble plus à Breaking Bad… Et encore : sans divulgacher l’intrigue, dans la première saison, Walter White et Jesse Pinkman utilisent de l’acide fluorhydrique…
Le dangereux criminel ne s’est pas énervé quand un des voisins vidéastes lui a refusé l’accès à l’immeuble. Il n’a opposé aucune résistance quand les policiers de la Bac l’ont cueilli. Il a vite arrêté les petits mensonges. « Il nous a dit : « Je suis venu pour tuer l’amant et dissoudre son corps. » À partir de là, il s’est relâché complètement », confie un des fonctionnaires.
Peur rétrospective
L’arme du crime ? Un bout de branche de 50 cm, coupé droit, sorti du scellé. Il a sans doute séché en sept ans, mais il ne pèse plus que 280 g. Léger. Silencieux depuis le début du procès, l’homme visé par cette opération, parti ce soir-là « sur un coup de tête » chez son père pour l’aider à défricher un champ, reconnaît avoir été envahi par une peur rétrospective, en découvrant la procédure. « J’ai cru à un canular. On m’a demandé si je voulais déposer plainte. Sur le coup, je n’ai pas voulu lui nuire. Je me sentais coupable. Mais je suis une personne, un père de famille. C’est difficile d’entendre qu’il ne s’est rien passé. »
La déposition de son ancienne maîtresse, femme de deux hommes, finit de jeter le trouble. « J’avoue que j’ai fait des erreurs. Je m’en suis voulu. Mais je ne peux pas faire marche arrière. Il a bon cœur, il a toujours été là. » Elle refuse encore d’imaginer un acte violent de son ex qu’elle appelait « Bozo », comme le clown. Son ancien amant lui aurait confié la même impression : « Je suis sûr que s’il était venu chez moi et qu’il m’avait trouvé, on aurait discuté. »
Verdict ce vendredi 20 mai dans la soirée.